L’image que capte notre oeil est transmise au cerveau par le nerf optique. Celui-ci se termine sur les cellules du corps genouillé latéral, premier relais des voies visuelles. Les cellules des corps genouillés latéraux (ou CGL) vont ensuite rejoindre leur cible principale : le cortex visuel primaire. C’est là que l’image va commencer à être reconstituée à partir des champs récepteurs des cellules de la rétine.
Dans un bref rappel historique, nous verrons où se trouve le cortex visuel primaire, comment il a été découvert.
Je vous décrirais ensuite les deux grandes voies de traitement de l’information.
Enfin, nous verrons la structure de ce cortex et les interactions cellulaires permettant l’analyse des informations visuelles.
I - Rappels historiques sur la découverte du cortex visuel :
Hermann Munk, dans sa publication de 1881 fut le premier à attribuer le rôle du lobe occipital dans la vision. Il avait observé qu’une lésion du lobe occipital chez des singes, entraînait une cécité. De plus, il avait noté que des lésions unilatérales provoquaient une cécité controlatérale au côté lésé.
En 1890 Salomen Eberhard Henschen rassemble et étudie de nombreux cas de lésions précédemment décrit ainsi que les autopsies s’y rapportant et confirme la localisation du traitement de l’information visuelle dans le cortex strié occipital, de part et d’autre de la scissure calcarine.
Au cours d’un conflit entre le Japon et la Russie en 1909, un médecin Japonais, Tatsuji Inouye, étudia de nombreux soldats dont les blessures au crâne affectaient la vision. Il pu ainsi constater que les projections du champ visuel sur le cortex ne respectait pas les proportions de l’image, et établit une première cartographie, qui décrit l’organisation rétinotopique du cortex. Celle-ci fut reprise et améliorer par deux neurologues Britanniques pendant le seconde guerre mondiale, Gordon Holmes et william Lister.
Depuis de nombreuses avancées technologiques ainsi que de nombreuses découvertes en nerosciences ont permis de décrire plus précisément le fonctionnement du traitement de l’information visuelle.
II - Description générale du traitement de l’information :
Aussi appelé cortex strié ou simplement V1, le cortex visuel primaire se situe dans la partie la plus postérieure du lobe occipital du cerveau. Une grande partie du cortex visuel primaire se trouve de chaque côté de la scissure calcarine, entre les deux hémisphères cérébraux. Le cortex visuel primaire correspond aussi à l’aire 17 de Brodmann
Le cortex visuel primaire envoie une forte proportion de ses connexions au cortex visuel secondaire (ou V2) qui est formé par les aires 18 et 19 de Brodmann.
On a découvert jusqu’à ce jour près d’une trentaine d’aires corticales différentes qui contribuent à la perception visuelle. Les aires primaires (V1) et secondaires (V2) sont entourées de nombreuses autres aires visuelles tertiaires ou associatives : V3, V4, V5 (ou MT), PO, etc.
Un schéma général émerge toutefois de cette complexité selon lequel il existerait deux grands systèmes corticaux de traitement de l’information visuelle :
-Une voie ventrale qui s’étendrait vers le lobe temporal appelés voie du « quoi », elle serait impliquée dans la reconnaissance des objets : leur perception consciente, leur reconnaissance et leur identification en traitant leurs propriétés visuelles "intrinsèques" comme leur forme, leur couleur, etc.
-Une voie dorsale qui se projette vers le lobe pariétal autrement appelé voie du « où? ». Elle serait essentielle à la localisation et la position de l’objet, cette voie aurai pour fonction principale de guider en temps réel les actions que nous dirigeons vers des objets du monde visuel en traitant leurs propriétés"extrinsèques", celles qui sont critiques pour leur saisie, comme leur position spatiale, leur orientation ou leur taille. C’est une « voie de l’action » qui nous permet d’interagir avec l’environnement.
Maintenant que nous avons vu ce qui se passe de façon générale au niveau de l’encéphale, nous allons voir ce qui se passe plus particulièrement au niveau du cortex visuel primaire
III - Structure du cortex visuel :
1 – structure générale :
Le cortex strié est divisé en 6 couches qui ont été numérotées de 1 à 6.
En réalité on pourrait même en considérer 9 car la couche 4 est elle même subdivisée en 3.
Chaque couche présente une cytoarchitecture qui lui est propre comme on peut l’observer sur une coupe du cortex, coloré par la méthode de Nissl mettant en évidence les corps cellulaires. Cette première observation suggère une répartition des tâches au sein même de ce cortex.
Dans ces couches on observe deux types principaux de cellules caractérisées par leur arborisation dendritique :
-Des cellules étoilées, surtout dans la couche 4
-des cellules pyramidales, seules à pouvoir envoyer des projections hors du cortex strié.
Les axones des cellules étoilées de la couche IVC qui reçoivent les afférences des corps genouillé latéraux, vont rejoindre à leur tour les dendrites des cellules pyramidales des couches IV B et III. Ces cellules pyramidales projettent ensuite leur axone vers d’autres aires corticales.
Au début des années 70, les chercheurs Hubel et Wiesel ont réalisé une expérience qui leur a permis de mettre en évidence un autre niveau d’organisation de la couche 4.
2 – L’organisation spécifique de la couche IV :
Ils ont injectés des acides aminés radioactifs dans l’œil d’un singe et ont suivi leur cheminement le long des voies visuelles jusque dans le cortex cérébral. Seules les cellules recevant des informations synaptiques provenant de l’œil en question récupèreront les acides aminés radioactifs.
Ils ont révélés les terminaisons axoniques radioactives en faisant de fines coupes histologiques du cortex strié qu’ils ont ensuite traités avec une émulsion photographique.
Les parties marquées sont révélées en blanc sur fond sombre.
Hubel et Wiesel ont observés que la distribution des terminaisons nerveuses pour chaque œil est discontinus et se présente sous forme de bande de 0.5 mm de large régulièrement espacées.
Des expériences sur les deux yeux permirent de constater que ces bandes correspondaient aux terminaisons nerveuses de l’œil gauche et de l’œil droit et qu’elles alternaient d’un œil à l’autre, se disposant un peu comme les rayures d’un zèbre.
Ces bandes représentent les colonnes de dominances oculaires.
La séparation du traitement des informations provenant de l’œil droit et de l’œil gauche permet leur comparaison par l’encéphale qui va en déduire la profondeur des objets observés.
Les informations envoyées par les CGL sur la couche 4 restent donc ségrégées. Les neurones de la couche 4 reçoivent une information monoculaire qui respecte la rétinotopie.
Cette ségrégation n’est pas forcément très respectée dans les autres zones du cortex même si l’organisation des CGL se retrouve encore au niveau de ces couches :
3 – Les interactions binoculaires des autres couches :
En effet la couche 4C α reçoit les informations des neurones magnocellulaire des CGL et projette ces informations à la couche 4B. La couche 4Cβ, reçoit les informations des neurones parvocellulaires des CGL et projettent ces informations sur la couche 3.
Les neurones parvo et magno cellulaires reçoivent comme nous l’avons vu précédemment, des informations ispy et controlatéral sur différentes couches.
Les connexions entre les couches 4C, 4B et 3 sont dites radiales.
Mais Il a été observé au sein des couches 4B et 3, des connexions horizontales entre les neurones permettant un mélange des informations provenant de l’œil gauche et de l’œil droit.
Les neurones de ces couches répondent donc aux stimulations par la lumière provenant des deux yeux. On dit qu’ils ont un champ récepteur binoculaire.
Ce mélange des informations permet de reconstituer une seule image entière de ce qui nous entoure.
Dans leurs travaux, Hubel et Wiesel ont réussi à déterminer comment est traité l’orientation d’un objet et son mouvement.
4 – la reconnaissance des orientations et des mouvements:
Les cellules de la rétine, des corps genouillés latéraux et de la couche IV du cortex visuel primaire sont dites simples car fonctionnent avec une organisation centre-périphérie de leurs champs récepteurs. Ces cellules simples se projettent ensuite sur les couches II à VI du cortex, composé de cellules dites complexes (sauf la couche 4). En effet, chaque neurone reçoit des afférences provenant de plusieurs cellules simples et répondent à des stimuli en forme de barres présentant une orientation particulière.
Ce schéma présente une expérience au cours de laquelle, on observe les réponses électriques des neurones complexes grâce à une électrode placée dans le cortex cérébrale d’un chat anesthésié auquel on projette des barres lumineuses. On peut observer que ces neurones répondent de façon prédominante à des stimuli orientés selon un angle précis et peu ou pas à des stimuli orientés différemment.
Le déplacement de ce trait de lumière active donc successivement plusieurs cellules simples dont la sommation temporelle des stimulations fait répondre la cellule complexe au mouvement. De plus, ces cellules complexes ne répondent que si le stimulus se dirige dans la direction perpendiculaire à sa position.
Ces neurones sont regroupés en colonnes perpendiculaires aux couches et traversant celle-ci, appelé colonnes d’orientation sélectives. Ces colonnes sont visibles sur le deuxième schéma, où une électrode pénétrant verticalement rencontre des neurones présentant tous la même orientation préférentielle, sauf dans la couche 4. De même, une électrode pénétrant de façon tangentielle ou horizontale ne rencontrera que des neurones présentant un changement systématique d’orientation au fur et à mesure de sa progression.
En résumé, le traitement de l’information visuelle se fait principalement au niveau du cortex du lobe occipital découpé en aires dont la plus importante est l’aire visuelle primaire V1. À l’échelle de l’encéphale il existe 2 voies de traitement : la voie dorsale du où et la voie ventrale du quoi. Au niveau cellulaire, le cortex présente 6 couches, dont
-la couche 4, à cellules simples, étoilées, recevant les afférences des CGL, divisée en colonne de dominance monoculaire, qui traite principalement la profondeur de champ
-et les autres couches, à cellules complexes, pyramidales, recevant des afférences de la couche 4 et des CGL, envoyant des informations aux autres parties de l’encéphale, présentant des colonnes d’orientation sélective qui traite la position et le mouvement.
Ce que je viens de vous dire n’a pas pour vocation d’être exhaustif mais tente de vous expliquez les grands principes de fonctionnement du cerveau en ce qui concerne la vision. Il est bien sur évident que le cortex visuel n’est pas le seul à intervenir mais que d’autre zone comme celle de la mémoire par exemple entrent en jeu dans la vision. Il serai alors intéressant de voir quelles sont les interactions entre les différentes parties du cerveau dans le processus de vision ?
Bibliographie :
Les mécanismes de la vision- bibliothèque pour la science- éditions pour la science, diffusion Belin.1990